Beurrerie Lanouette
" Anthyme Lanouette "

(History - English vesion available soon)

 

Préambule. Les beurreries au Québec sont intimement liées à notre histoire sociale, culturelle et agricole. Dans les années 1950, nous comptions des centaines de beurreries dans les villes et campagnes de notre Belle Province. Leurs noms figurent sur le site « Les beurreries au Québec » comme une litanie qui nous permet d’imaginer, non sans une certaine nostalgie, la vivacité et l’impact de ce réseau actif sur tout le territoire. La beurrerie Lanouette est inscrite sur cette liste, mais sans autres renseignements, comme pour la plupart des autres malheureusement. Nous rappelant notre devoir de mémoire, surtout envers nos enfants et leur descendance, nous jugeons intéressant et utile de raconter, 34 ans après sa fermeture (1982), l’histoire de la beurrerie Lanouette telle que nous l’avons vécue, perçue et enregistrée dans nos mémoires. Quelques documents conservés serviront de témoins du développement de cette industrie laitière, au siècle dernier, ainsi que de la réalité administrative d’une petite entreprise, en cette période où les ordinateurs n’existaient pas encore.

Le démarrage  L’histoire d’amour commence en 1940. Le 14 octobre, Anthyme Lanouette, jeune gradué de l’École d’agriculture de Saint-Hyacinthe, se marie avec l’institutrice Fernande Dusablon. Les deux travaillent dans le rang Saint-Joseph à Saint-Alban, comté de Portneuf : Anthyme est beurrier-fromager à la beurrerie Francis Savard, et Fernande enseigne à l’école multi niveaux du rang. Ce tandem fera équipe pendant plus de 50 ans. Une surprise arrive rapidement : M. Francis Savard, alors propriétaire et supérieur d’Anthyme, offre à sa jeune recrue d’acheter sa beurrerie. Faute de relève, il insiste et assure lui-même le prêt requis de 15 000 $, avec un calendrier de remboursement relativement souple. Le nouveau couple hésite, mais finalement accepte de plonger dans cette aventure avec audace. Ils achètent la beurrerie le 5 avril 1944 et continue d’occuper le logement familial au 2e étage de cette nouvelle bâtisse (1942). Ils y vivront durant 40 ans, soit jusqu’en 1982, avec leurs 10 enfants. Que de bons souvenirs !

L’évolution De la beurrerie Savard à la beurrerie Lanouette. - De la vieille bâtisse à la nouvelle … et à son agrandissement en 1975  avec une subvention de 11 200 $ du gouvernement fédéral, la seule aide financière en 40 ans d’opération.  - De la livraison du lait à cheval par chaque producteur au ramassage collectif par camion. - Des bidons de lait à la citerne individuelle et au ramassage par camion-citerne. - Des cultivateurs de proximité à ceux de multiples villages éloignés allant de Saint-Tite (en Mauricie, à l’ouest) jusqu’à Saint-Tite-des-Caps (aux limites de Charlevoix, à l’est), en passant par Saint-Augustin-de-Desmaures et l’Île D’Orléans. - Des petites fermes aux fermes de plus en plus grosses. - Du beurre et du fromage cheddar (en meules ou en grains), du fromage à la caséine (produit de texture plastique résultant du caillage instantané du lait écrémé au moyen de l’acide sulfurique) et enfin du beurre comme unique produit vendu de Québec à Montréal et aussi offert sous d’autres marques dont Métro-Richelieu, Canada Packers, Roset et la Laiterie Chez-nous de Saint-Raymond. - De trois employés à une douzaine. Toutes ces étapes de développement ont été initiées selon l’évolution de l’industrie et des marchés compétitifs pendant les 40 ans de vie active de la beurrerie Lanouette, qui se voyait ainsi imposer un certain rythme d’adaptation dans un environnement compétitif privé/coopératif. Il fallait répondre à la demande de produits de qualité en tenant compte des cycles économiques, des lois et politiques en vigueur, des technologies disponibles, des exigences réglementaires de plus en plus sévères, notamment en hygiène … obsession de notre mère institutrice devenue administratrice de la beurrerie. À travers ce cheminement évolutif, les propriétaires Anthyme Lanouette et Fernande Dusablon ont énergiquement assumé leurs multiples fonctions avec courage, détermination, compétence, dévouement et esprit d’équipe. On peut assurément dire qu’ils ont réussi pendant 40 ans à faire évoluer la beurrerie Savard, plutôt artisanale, vers la beurrerie Lanouette, franchement industrielle. Cette beurrerie a dorénavant un « nom », leur nom, et pour toujours dans les archives du Québec moderne.

Les acteurs. Les cultivateurs producteurs de lait, l’équipe de travail et la famille élargie : trois acteurs inséparables dans le succès de cette industrie laitière nommée Lanouette et reconnue pour la qualité de ses produits -- à l’effigie d’une « belle rose d’un rouge vif » qui apparait sur le sigle de la Beurrerie Lanouette dans les registres ‘’web’’ actuels -- et depuis toutes ces longues années.

Les cultivateurs. De plus en plus nombreux au fil des ans, qu’ils soient petits, moyens ou gros producteurs, une chose les caractérise tous : leur fidélité. Ils avaient volontairement choisi de vendre leur lait à une petite industrie privée plutôt qu’à une grosse industrie coopérative. Pourquoi ? Quelles étaient leurs motivations ? Trop tard pour le leur demander, mais on peut avancer, sans trop se tromper à notre avis, que le service personnalisé que leur offrait la beurrerie Lanouette répondait parfaitement à leurs attentes au quotidien. Au bout du fil, ils recevaient sans délais réponses à leurs interrogations, à leurs inquiétudes, à leurs besoins d’aide. Ils étaient écoutés, ils étaient respectés.

L’équipe. En petit nombre l’hiver, l’équipe de base se multipliait par trois pour la saison d’été alors que la beurrerie fonctionnait à plein régime. Des milliers de livres de lait étaient reçues, centrifugées et transformées en beurre et autres produits, selon les époques, fromage ou caséine. Pas de vacances pour personne ; la production en accéléré, à raison de sept (7) jours semaine, ne permettait aucune pause par temps chaud. Dans une industrie laitière, il va de soi que le leader de l’équipe soit le spécialiste de la fabrication des produits, donc le beurrier-fromager. Dès le début, le nouveau propriétaire était de ceux-là, Anthyme Lanouette. Lui ont succédé, au fil du temps et du développement, messieurs Alban Bertrand, Robert Naud, Lucien Jean, Jean-Louis Savard, René Hardy et Gilles Falardeau. Tour à tour, ils ont assumé fièrement leur rôle, conscients de leur responsabilité première : fabriquer un produit de qualité dans le respect des normes établies et régulièrement inspectées par les agents gouvernementaux. Du stress, il y en avait, parfois beaucoup, mais ils étaient capables d’en prendre, généralement dans la bonne humeur et avec l’appui indéfectible de leurs patrons, Anthyme et Fernande, ainsi que des autres membres de l’équipe, toujours au poste et efficaces dans leur travail. Une équipe fidèle en résonance à la fidélité des cultivateurs-producteurs ? Ou vice-versa ? On peut certainement dire que la stabilité des uns et des autres fut un élément du succès de l’entreprise.

La famille À l’histoire d’amour du couple Anthyme Lanouette et Fernande Dusablon, élément déclencheur de l’acquisition de la beurrerie, s’ajoute l’histoire de fidélité de leurs familles élargies. Plusieurs membres de la parenté ont effectivement mis la main à la roue, à leur manière et à différentes périodes, participant ainsi à relever les nombreux défis du démarrage, de la croissance et du développement de l’entreprise. - Les frères d’Anthyme, Lionel et Damien, à la production. - Grand-père Dusablon, Arthur, à l’encouragement et aux conseils. Grand-mère Dusablon, Sara, au gardiennage et à l’animation des  enfants pendant que Fernande prépare manuellement, aux quinze jours, souvent avec l’assistance de sa fille Lise, la paie des centaines de cultivateurs. Les fils Lanouette, Marc et Claude, qui passent leurs vacances scolaires à aider toute l’équipe : ramassage du lait chez les cultivateurs, déchargement, réception et pesée à la beurrerie, lavage des bidons ou citernes, soutien à toutes les étapes de la transformation du lait en produits laitiers, centrifugation, pasteurisation, barattage, etc. Les filles Lanouette, Denise, Jocelyne, Lise, Francine et Myrianne qui, à leur mesure et selon les besoins, participent aux corvées courantes : enveloppage du beurre, prise d’échantillons de gras et analyse avec le beurrier en devoir, vente de produits aux clients de passage, inventaire du beurre dans la chambre froide et livraison chez les commerçants locaux, brossage des planchers de ciment et arrosage d’insecticides en fin de journée.  Les cousines Dusablon-Savard, Noëlla, Claudette, Carmen, à l’aide ménagère et à la cuisine pour permettre à notre mère, Fernande Dusablon, de jouer pleinement son rôle d’administratrice de la beurrerie.  L’histoire de la beurrerie Lanouette ne serait pas la même sans la FIDÉLITÉ de ses cultivateurs-producteurs de lait, de son équipe de transformation du produit et de la famille généreuse sur qui les propriétaires pouvaient toujours compter : un trio du tonnerre qui a fait ses preuves dans le succès.

La gestion. - Les objectifs de l’entreprise étaient bien définis : - Qualité des produits intrants et extrants. - Qualité des relations avec les cultivateurs-producteurs. - Qualité des services aux clientèles externes. - Qualité et hygiène des installations physiques. Bien sûr, les défis sous-jacents à chacun de ces objectifs exigent une administration rigoureuse basée, entre autres, sur des informations constantes et fiables. Comment imaginer, selon les barèmes d’aujourd’hui, qu’en ce début du 20e siècle, ils devaient pouvoir gérer une entreprise à partir de données collectées, inscrites et traitées de façon totalement manuelle ? C’était pourtant la réalité vécue par les propriétaires-gestionnaires de la beurrerie Lanouette pendant les quarante années d’existence de leur entreprise. Tous les documents déposés en annexe en font la preuve dont, de façon non exhaustive : la pesée quotidienne des bidons de lait à la réception; la collecte et l’inscription des tests de gras du lait pour chaque cultivateur; la paie bimensuelle aux «patrons» [nom donné à cette époque aux cultivateurs-fournisseurs] basée sur les livres de lait pondérées par le pourcentage moyen de gras du lait de chacun d’eux; les bilans mensuels des dépenses et revenus; les dépôts bancaires;  les opérations relatives à la gestion du personnel; les rapports exigés par les agences gouvernementales. Avec le recul, deux dossiers ressortent dans la liste des défis majeurs de la gestion courante de cette entreprise laitière : la concurrence permanente avec le secteur coopératif régional et la présence intensive des inspecteurs gouvernementaux à l’intérieur même du lieu de travail. Ces deux réalités exigeaient quotiet généraient un stress continu. Les propriétaires de cette petite entreprise québécoise en ont parlé jusqu’à leur mort tant cette réalité était présente.

La communauté.  Dans un village de 1 200 personnes tel Saint-Alban de Portneuf, tous les acteurs sont appelés à jouer un rôle significatif pour le maintien de la qualité de vie, du développement économique et de la stimulation rassurante tant du milieu social que culturel. À ce chapitre, la beurrerie Lanouette a parfaitement rempli son rôle à titre de contributeur important et d’acteur fidèle à tous les niveaux. Industrie locale parmi les trois plus grandes, employeur important trois saisons sur quatre, en lien harmonieux avec tous les citoyens et, en plus, un chef d’entreprise aussi maire dévoué pour sa paroisse pendant douze ans : que peut-on espérer de plus? Les citoyens et citoyennes ont souvent eu l’occasion de manifester leur appréciation et ils l’ont fait.

Le dénouement. Depuis la dissolution de la Beurrerie Anthyme Lanouette inc. en 1985, il ne reste, à toutes fins pratiques, plus de beurreries privées au Québec. Évolution industrielle oblige. Celle des Lanouette a fait figure d’héroïne en gardant le phare jusqu’au dernier moment d’un 20ième siècle en fin de mandat. Changement de modèle, les grandes coopératives avaient pris le dessus. Inévitablement, il fallait lâcher prise et le délestage s’est réalisé en deux temps : une première vente (1982) à un investisseur de transition gardant à son emploi un fils Lanouette, Claude; stratégie gagnante et douce aux cœurs des propriétaires … ils quittaient le bateau mais gardaient un lien; une deuxième vente cette fois à la Société coopérative agricole de Granby, fermeture de la beurrerie, fin des opérations. La page se tournait définitivement, le deuil pouvait commencer ainsi que le diennement une attention et une énergie hors du commun bilan d’une riche vie professionnelle et familiale à la beurrerie Lanouette de Saint-Alban de Portneuf.

ConclusionLa vie nous réserve toujours des surprises, qu’elles soient belles ou mauvaises. À l’heure des bilans, une voix intérieure nous suggère de mettre l’accent sur les meilleurs moments de notre histoire et de n’inscrire dans notre mémoire que les faits saillants positifs, générateurs de satisfaction et de fierté.  Dans cet esprit, retenons que toutes ces années vécues à différentes étapes de la beurrerie Lanouette, quels que soit les volets (démarrage, évolution, acteurs, gestion, communauté et dénouement), nous amènent à conclure que cette aventure fut :                                                                                                                                                                                                                                                                 une belle histoire… une histoire d’amour… une histoire d’équipe à la production, cultivateurs et employés… ·une histoire de famille…
bref, une vie inoubliable pour tous.

                                                        Merci sincèrement à tous ceux et celles qui y ont collaboré à leur manière.

                                                              Source : Denise, Marc, Jocelyne, Lise, Francine et Myrianne Lanouette

   

 Beurrerie Lanouette 1942 Photo -  Lanouette familly

  Registration Certificat - Lanouette Family

 


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Updated 2017-01-21
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